Peut-on soutenir Alberto Contador ?

En Espagne et dans sa ville natale, la réponse à la question du titre est claire : oui ! Chez les Ibères, on aime Alberto et l’on ne se soucie pas de la couleur de ses urines ou de l'épaisseur de son sang. En France, on a tranché : « Le steak d’Alberto, c’est le steak tartare ! Une viande faisandée et survitaminée qui, selon les spécialistes, transformerait un paisible berger mongol en grimpeur d’élite capable d'escalader le Tourmalet en respirant comme Dark Vador : une inspiration toutes les 30 secondes, et sous le casque, SVP… ». Alberto est donc le méchant tricheur et tous les autres sont des gentils Luke Cyclewalker, apparemment seuls cyclistes à grimper les cols à la force du jarret.

Le Français le plus populaire trouve suspect les sportifs espagnols. Vouloir défendre Alberto semble tellement politiquement incorrect qu’il est préférable pour un journaliste téméraire soucieux de son image, d’écrire une biographie détaillée d’Emile Louis ou d’un autre sérial-killer. C’est tout aussi incorrect, mais au moins c’est vendeur…

Revenons à Alberto Contador en citant Erwann Menthéour, ex cycliste professionnel, chanteur, écrivain et aujourd’hui coach sportif : « Dans un monde particulièrement pourri par l'argent, pourquoi voulez-vous que les cyclistes soient les seuls sportifs propres uniquement préoccupés d’équité et de performance authentiquement minéralisée, Evian c’est ma nature… » Le coureur cycliste n’est qu'un homme et même une femme comme les autres, dirait maintenant notre Jeannie nationale. Il peut donc succomber à la tentation pharmacopale. Cette tentation pharmacopale est d’autant plus amplifiée que les produits proposés sont bons ! Les laboratoires de recherche inventent et sortent des médicaments performants qui prolongent la vie, guérissent de graves maladies, augmentent la résistance : tout le monde applaudit. C'est un peu moins le cas quand les mêmes nous sortent une fausse grippe et les vaccins qui vont avec.

Les politiciens en vue, le banquier et ses traders, beaucoup de stars du showbiz, tous tapent dans la molécule de synthèse sinon… Comment veux tu que je te baise ? Madonna, 50 ans bien sonné, est plus belle qu'à 20 ans et danse aussi bien qu’une Russe du Bolchoï. Personne ne s’occupe de la faire pisser dans une éprouvette ou de contrôler son assiette... Like a virgin comme son compatriote Lance Armstrong, septuple vainqueur du tour de France cycliste ! Mais un coureur cycliste, Espagnol de surcroit, alors là, non ! Sortez le vite de l'arène et qu’on ne le revoit plus sur les routes hexagonales…

On en reviendrait presque à regretter le général Franco. Là, au moins, les Espagnols ne gagnaient pas tout. Vraiment, la démocratie libérale, cela ne devrait être accessible qu'aux WASP et à leurs vassaux Frenchies ! Avant, le dopé, c’était l'Allemand de l'Est, le Soviétique ou l’haltérophile bulgare. Maintenant, il s’est méditerranisé. Il faut bien qu’il soit né quelque part, le dopé…et si possible bien loin des quartiers chics de Londres, de Paris ou du Bois de Boulogne. Là-bas, on accepte les implants et les transfusions sanguines. Mais uniquement pour les Brésiliens… Comme chacun sait, les frontières sont hermétiques. La douane veille et le suppositoire madrilène voyage peu. On a déjà eu Virenque, dopé mais à son insu, cela suffit… Personnellement, je souhaite à Alberto de gagner le prochain tour d’Espagne, avec ou sans steak tartare. Laissons le bel Ibère choisir son boucher : c’est, après tout, un des rares luxes que nous laisse l'Europe libérale. Et puis, les cols espagnols valent bien ceux de nos Pyrénées…

Polychronis Tzortzakis : non, ce n’est pas une nouvelle marque d’eczéma ou autres maladies orphelines. Cela pourrait être aussi une algue tueuse, verte ou jaune. Non pas du tout… C’est un coureur cycliste grec, vainqueur dimanche 19 février 2012 d’une belle course cycliste élite dans le Pays Basque. Incroyable ! Demis Roussos et Nana Mouskouri ont un fils et il fait du vélo au lieu de danser le Sirtaki en buvant de l’ouzo. Il y a pas à dire : en Grèce, c’est vraiment la crise… Le pauvre, il pédale dur et risque de gagner de l'argent si il continue ! Le verrons-nous un jour disputer le tour de France ? Peut-être… A moins qu’il ne se décide à franchir les Pyrénées pour déguster un bon « Churrasco » avec notre ami Alberto.

En attendant, tout va bien chez De Coubertin. Préparons-nous à vivre des jeux olympiques de rêve, sans Contador, mais avec des athlètes sains. Je peux même vous livrer une info pour le prochain championnat d’Europe de football : tous les contrôles antidopages seront négatifs. Et si par hasard il y en avait un de positif, nul doute qu’il serait du au nuage de Tchernobyl. Tchernobyl, voilà une région qui mérite son grand prix cycliste : « Dark Vador sur les pavés de Tchernobyl ou le grand prix du sarcophage, voilà une course futuriste qui aurait de la gueule et pour le contrôle médical, aucun souci, on le fait au retour dans l'Europe de chez Persil ! Tout le monde le sait, on lave toujours plus blanc à l’ouest… »

Alors en conclusion, on soutient Alberto ou pas ? et bien oui, je le soutiens, dopé, peut être, champion, sûrement et de retour bientôt, je l'espère. Un Alberto Contador, même dopé, fait sûrement moins de mal qu’un délocalisateur pervers ou un financier anthropophage, n'en déplaise aux biens pensants et aux hypocrites qui rêvent d’un sport professionnel minéralisé… Et puis, c’est dans l'air du temps : le vélo c’est un sport populaire, c’est vieillot. Sur la route, on ne voit pas trop les sponsors. Le foot, c’est tellement mieux : là, c’est du spectacle, on peut lâcher les gaz et les gros chèques. Et ne vous inquiétez pas trop : les contrôles sanguins et les analyses poussées, on les laisse aux sprinters belges et aux grimpeurs espagnols…

C’est pour cela que j'écris cet article Alberto ! Je ne dis pas que tu as gagné le tour de France en mangeant des figues avec du Perrier, mais vu l'inégalité de traitement entre les sportifs, tu mérites quand même un peu de soutien…

K Ricovic