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Fragilité du marxisme

9 Octobre 2012 , Rédigé par energiefaucille Publié dans #Réflexion

On peut brièvement définir le marxisme par les points suivants :

- reconnaissance de la lutte de classe et du développement des forces productives (techniques et organisation du travail) comme moteurs du développement socio-historique

 

- constat de contradictions majeures dans le régime capitaliste : 1) caractère social de la production (la grande industrie) ; caractère individuel de la propriété ; 2) possibilité d'organiser la production en fonction des besoins ; concurrence individuelle et crises périodiques qui détruisent les capacités de production ; 3) concentration des richesses à un pôle de la société, parasitisme des classes dominantes ; appauvrissement, état de guerre permanent dans les classes populaires

 

- visée militante ayant pour objectif la constitution d'une force politique prolétarienne apte à s'emparer du pouvoir politique et à diriger la société graduellement vers une société sans classe et sans Etat. La création de cette force politique étant facilitée par la crise du capitalisme, qui envoie dans les rangs du parti ouvrier des masses sans cesse plus importantes de prolétaires et de petits-bourgeois déclassés

 

Ceci étant dit, certains ont pu en conclure qu'il suffisait d'attendre que la crise fasse son œuvre et que, bon an mal an, le parti ouvrier révolutionnaire, puis à sa suite la révolution prolétarienne, surviendrait à une échéance plus ou moins proche.

 

Le vingtième siècle a vu se succéder crises et guerres locales et mondiales. Il a engendré les plus grandes catastrophes humanitaires et industrielles que l'humanité a jamais vu. Devant ce constat, certains marxistes pouvaient se dire avec optimisme : « Nous n'avons qu'à attendre, le drapeau rouge à la main, patiemment, que les masses nous rejoignent et, sous notre puissante direction, érigent un nouveau régime social, socialiste et communiste, sans classe et sans État ». On a pu s'apercevoir qu'il n'en était rien et, en 2012, nous ne pouvons que faire le constat suivant : état embryonnaire du développement du marxisme et du parti ouvrier révolutionnaire. Les avancées réalisées par le mouvement ouvrier au début du vingtième siècle ont été balayées. A travers le monde, les quelques groupes qui se proclament marxistes et ouvriers sont en proie à un lent déclin. Certains abandonnent toute perspective marxiste et communiste et deviennent de simples organisations sociales-démocrates. Ainsi en est-il de la Ligue communiste révolutionnaire devenue Nouveau parti anticapitaliste, et de l'Organisation communiste internationaliste devenue Mouvement pour un parti des travailleurs, puis Parti des travailleurs, puis Parti ouvrier indépendant.

 

Ainsi, nous avons une situation paradoxale qui nous donne à voir, à la fois une des plus violentes crises économiques depuis soixante ans, et à la fois, une stagnation des forces prolétariennes. Sauf par endroits, comme ces derniers temps dans les mines en Afrique du Sud, les révoltes provoquées par la crise et par les politiques bourgeoises ne se font que sous le drapeau des bureaucraties syndicales, de la social-démocratie ou des apolitiques anarchisants. Cela signe la profondeur du recul vécu par les idées marxistes.

 

Ceci étant, les quelques marxistes qui continuent à travailler sous le drapeau de Marx Engels Lénine et Trotski ont une tendance naturelle à l'optimiste. Et il n'est pas question dans cet article de leur enlever cette joie intérieure. Quand bien même je le voudrais, ce serait impossible !

 

Ce que nous voudrions souligner ici, et c'est le titre de cet article, c'est le caractère fragile du marxisme. Il nous apparaît que cette fragilité n'est parfois pas estimée à sa juste valeur dans les milieux marxistes. Certains ont tendance à appuyer très fortement sur le caractère scientifique des démonstrations classiques pour se draper dans un optimisme béat. Or, si le vingtième siècle nous a enseigné quelque chose, c'est bien le caractère fragile de la théorie élaborée par Marx et Engels. Ses analyses économiques ont beau se montrer pertinentes et plus pénétrantes que celles des économistes bourgeois ou social-démocrates, il n'en demeure pas moins que la liaison entre cette théorie, les partis marxistes et les masses a été fort compliquée à se faire au vingtième siècle. Tout le drame est là.

 

Réellement, il n'y eut qu'en Russie dans les années 1898-1920 que le marxisme a pu se lier solidement à une fraction importante de la classe ouvrière d'un pays. Et cela s'est fait dans un pays donné, dans un contexte donné. De plus, le marxisme révolutionnaire a été ensuite trahi par les hommes et l'organisation même qui était censé le représenter. Ce fut le stalinisme.

 

Ailleurs, si le mouvement ouvrier a parfois été fort puissant, ce n'est quasiment jamais la composante marxiste qui a dominé. En France, nous voyons le syndicalisme révolutionnaire balayé par la guerre en 1914, la trahison de la social-démocratie et du marxisme frelaté – le stalinisme  après la première guerre mondiale. Dans les autres pays, un courant révolutionnaire, parfois marxiste, a pu exister, mais il n'a jamais pu se mêler sérieusement à la lutte pour la prise du pouvoir politique. Ce n'est pas tant les coups portés par ses ennemis, même s'ils furent réels et puissants, qui a gêné son développement. Ce fut bien plutôt la conscience des masses populaires qui a manqué. Ce n'est pas que ces masses ne voulaient pas un monde meilleur, débarrassé de la guerre et de l'exploitation, comme le propose le marxisme. Mais c'est qu'elles ont été trompées par les politiciens et la classe dominante, qui ont tout fait pour troubler le message des marxistes. La classe dominante a recruter des agents dans la classe ouvrière pour freiner et gêner les marxistes. Elle a mené une politique désespérée et finalement victorieuse pour arracher de la conscience des masses la nécessité du socialisme et de la révolution. Il n'y a qu'à voir les qualificatifs hautement péjoratifs attachés au socialisme dans la presse et dans les écrits des intellectuels bourgeois pour se faire une idée des attaques contre le socialisme scientifique.

 

Ceci étant dit apparaît une possibilité que les révolutionnaires prolétariens ne peuvent mettre de côté : la classe ouvrière peut ne pas remporter la victoire finale. Le marxisme, qui annonce et promeut la victoire de cette classe puis l'établissement du socialisme-communisme, pourrait ne pas voir ses velléités mises en place. Cela ne signifierait pas la ruine théorique du marxisme, bien au contraire. En tant que théorie vivante, appuyée sur l'étude de la réalité, le marxisme présuppose la possibilité d'une défaite de la classe ouvrière. Pérorer à longueur de temps sur la victoire inéluctable de la classe prolétaire, sur la nécessité historique du socialisme, ne sert à rien, à part permettre aux intellectuels bourgeois de cataloguer les marxistes comme des doctrinaires dogmatiques.

 

Les marxistes doivent donc bien se défendre de tout optimisme béat, de toute certitude quant à la mise en place prochaine de la société socialiste. « Le pessimisme de la raison, l'optimisme de la volonté », telle doit être la ligne personnelle des révolutionnaires.

 

Les classes dominantes doivent leur existence au maintien du capitalisme. Elles ne peuvent donc faire autre chose que de lutter pour son maintien, à n'importe quel prix. Dans ce combat entre forces sociales, le rapport de force objectif est clairement à l'avantage de la classe ouvrière. Sa force économique et sociale est infiniment supérieure à celle de la bourgeoisie capitaliste, qui ne fait plus guère qu'encaisser des dividendes et placer ses hommes dans les hautes sphères politico-économico-médiatico-universitaires. Si la classe ouvrière (réunie sous le strict critère de la place dans les rapports de production) parvenait à s'unir pour combattre le capitalisme, elle triompherait sans problème. Il n'y aurait même pas de combat.

 

Mais dire cela ne nous avance pas d'un pouce. Car le problème immense posé aux marxistes est justement que la grande majorité des masses ne semble pas attirée vers la solution socialiste communiste. Les résultats électoraux des présidentielles et des législatives le prouvent. Les résultats de LO et du NPA sont très mauvais.

 

On pourrait dire aussi que la classe ouvrière, si elle souhaite ardemment la fin des attaques menées par la bourgeoisie, n'a pas encore trouvé la route qui mène à une politique conforme à ses intérêts. La classe ouvrière est perdue. Il est certain que la bourgeoisie fait tout pour embrouiller l'esprit des masses. Par les médias, par les débats xénophobes, nationalistes et impérialistes constamment entretenus à la télévision, la classe dominante espère brouiller les pistes et cacher les vraies questions. Combien de temps cela pourra-t-il durer ?

 

 

Dans quelle mesure la classe ouvrière subira-t-elle cette exploitation-oppression sans sourciller ? Nul ne le sait. Mais il faut vraiment s'attendre à de brusques virages dans la conscience des masses, qui dans les semaines et mois qui viennent devraient subir une offensive sans précédent. Il se pourrait alors que la classe ouvrière déverse sa toute puissance dans l'arène politique, et impose la prise en compte de ses intérêts. Mais il se pourrait aussi que les coups que les prolétaires donneront ne soient pas suffisants pour empêcher la bourgeoisie de revenir sur les acquis sociaux et bien plus encore.

 

Une chose est sûre : le capitalisme porte en lui sa critique mortelle. Le marxisme est la théorie révolutionnaire la plus aboutie. Il faut espérer qu'il sera dans l'avenir le modèle sur lequel s’appuieront les révolutionnaires du monde ouvrier qui se porteront à l'assaut du monde bourgeois. Si tel n'était pas le cas, les désillusions pourraient être au rendez-vous. Le marxisme, théorie solide et fragile à la fois, ne sera pas forcément victorieux. Ce qui n'empêche pas qu'il faut se battre pour lui et pour le communisme, dont la réalisation sur terre représente le plus bel idéal pour l'humanité.

Mohamed Beurlah

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