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18 mars - 28 mai 1871 : La Commune de Paris

18 Mars 2015 , Rédigé par energiefaucille Publié dans #almanach révolutionnaire

Ce fut justement une tentative avortée de l'armée de Thiers pour reprendre ces canons aux « Fédérés » qui marqua, le 18 mars 1871, le début de la Commune.

Paru en avril 2001.

En 1871, le petit peuple de Paris, celui des artisans, des ouvriers, des femmes du peuple qui constituaient alors la majorité de sa population, s'insurgeait contre le pouvoir établi. Durant les deux mois que dura la Commune de Paris, il vécut la première expérience d'exercice du pouvoir direct par la population en posant à cette occasion les bases d'une organisation sociale nouvelle, juste et fraternelle.

Les bourgeois, la police, le gouvernement, tous les ennemis du prolétariat avaient fui Paris et l'armée était aux mains des Prussiens qui venaient de gagner la guerre contre la France. Ces circonstances permirent donc aux Parisiens d'avoir le champ libre pour mettre en place l'embryon d'un pouvoir démocratique au plein sens du terme, entièrement tourné vers la satisfaction des besoins de la population.

La répression féroce qui s'abattit sur eux à partir de mai 1871 mit fin à ce gouvernement ouvrier qui avait tenu soixante-douze jours, « l'aube, quoique bien pâle, de la première république prolétarienne », comme le salua Trotsky en 1921, mais sans tuer l'espoir, pour les générations de militants révolutionnaires qui allaient lui succéder, que changer le monde était possible. Au contraire. Ils puisèrent dans la riche expérience sociale et politique de la Commune de Paris des raisons de mieux comprendre les objectifs et les tâches à venir.

De la guerre à la Commune

Le 4 septembre 1870, devant la colère des Parisiens devant la capitulation à Sedan des armées de Napoléon III face à la Prusse, les opposants politiques au Second Empire proclamèrent la République à l'Hôtel-de-Ville et la constitution d'un gouvernement de Défense nationale. Le siège de la capitale par les armées prussiennes pendant tout l'hiver 1870-1871 fut éprouvant. En février 1871, les élections donnaient à l'Assemblée, alors déplacée à Bordeaux, une majorité de députés monarchistes et réactionnaires qui portèrent Adolphe Thiers à la tête d'un gouvernement qui signa la capitulation de Paris. L'écart se creusa de plus en plus entre celui-ci et un Paris agité par les idées socialistes, un Paris qui avait manifesté à plusieurs reprises sa méfiance à l'égard d'un gouvernement appuyé sur les « ruraux » de la province conservatrice. Le gouvernement multiplia les provocations, comme s'il cherchait l'occasion de mater dans le sang une bonne fois pour toutes les Parisiens.

Beaucoup de ceux-ci s'enrôlèrent dans la Fédération de la Garde nationale avec l'idée qu'il fallait défendre eux-mêmes Paris face aux Prussiens, sans faire confiance à quiconque pour le faire à leur place. De nombreux Parisiens furent donc armés, possédant même des canons acquis par une souscription organisée par eux-mêmes et auxquels ils tenaient jalousement, canons mis à l'abri comme ceux hissés sur les hauteurs de Montmartre.

Ce fut justement une tentative avortée de l'armée de Thiers pour reprendre ces canons aux « Fédérés » qui marqua, le 18 mars 1871, le début de la Commune. Toute la population du quartier, femmes en tête, fit barrage aux soldats venus enlever les canons. Ils fraternisèrent avec la foule en faisant prisonnier le général Lecomte qui les commandait et qui fut exécuté ensuite avec le général Thomas, rendu responsable de la défaite face aux Prussiens.

Devant cette insurrection, le gouvernement préféra fuir à Versailles et Paris se réveilla libre, sans gouvernement et sans forces de répression.

La Commune s'organise, un nouvel Etat s'ébauche

Le Comité central de la Garde nationale prit alors les choses en main. Il décida de relever le défi, d'assurer le ravitaillement et de diriger la cité jusqu'à l'organisation d'élections de nouveaux représentants à la tête de la Commune. Lors de ces élections, le 26 mars, de nombreux militants connus pour leurs idées révolutionnaires furent élus. Pendant les deux mois de liberté qui allaient suivre, une intense vie démocratique anima les quartiers, la population intervint librement dans les clubs. Les services publics (postes, monnaie, éclairage, pompiers, santé) furent réorganisés grâce au bon sens et au dévouement des volontaires.

propositions des élus de la Commune indiquèrent clairement la direction choisie : le premier décret supprima l'armée permanente pour la remplacer par le peuple en armes. Les policiers passaient désormais sous le contrôle de la population et étaient révocables à tout instant comme tous les délégués investis d'un mandat impératif. Tous les fonctionnaires, des membres de la Commune jusqu'au bas de l'échelle, devaient être rétribués au niveau d'un salaire d'ouvrier. La séparation de l'Eglise et de l'Etat fut décrétée ainsi que la suppression du budget des cultes. Sur le plan économique, la Commune décida, entre autres, un moratoire sur les loyers impayés et la réquisition des logements et des ateliers abandonnés. De nombreuses commissions réfléchirent à un enseignement nouveau, laïc et gratuit, ouvert à tous et notamment, ce qui était nouveau, aux filles, et à la création d'écoles professionnelles.

Malheureusement, entièrement absorbés par l'élaboration de cette vie nouvelle, les Communards négligèrent des moyens de défense importants. Ils se refusèrent par exemple à prendre en otage l'or déposé à la Banque de France au nom d'un légalisme formel, hors de propos, alors qu'en face, Thiers et ses mercenaires ne s'embarrassaient guère du respect des règles.

Une répression impitoyable

Thiers reconstitua une armée avec la complicité du gouvernement prussien qui retenait jusque-là une partie de l'armée française prisonnière. Il écrasa les tentatives de proclamer d'autres Communes en province et isola Paris par une campagne de calomnies décrivant une capitale à feu et à sang, aux mains des pillards, alors que jamais l'ordre n'y avait si bien régné !

L'armée versaillaise entra dans Paris le 21 mai 1871 mais il lui fallut une semaine, restée tristement célèbre sous le nom de « Semaine sanglante », pour reprendre la ville, quartier par quartier, car toute la population, femmes, enfants, fédérés, défendit héroïquement ses barricades. Les derniers combattants tombèrent le 28 mai, au cimetière du Père-Lachaise devant le mur appelé depuis « le mur des Fédérés ».

La répression fit des dizaines de milliers de morts. Il s'agissait de marquer durablement les mémoires pour qu'une telle expérience ne revît plus le jour. Aux exécutions succédèrent quarante-cinq mille arrestations et des déportations pour le bagne de Nouvelle-Calédonie. Les plus chanceux purent s'exiler tandis que le mouvement ouvrier français était affaibli (mais, en fait, il ne mit que dix ans pour renaître).

Les leçons de la Commune

Le courage, l'abnégation, la générosité des hommes et des femmes de la Commune contrastent avec la sauvagerie de la répression des Versaillais, à la mesure de la peur que leur inspira l'insurrection parisienne. Au-delà, il reste de la Commune « ce grand exemple d'initiative, d'indépendance, de liberté de mouvement, d'élan vigoureux parti d'en bas, le tout allié à un centralisme librement consenti, étranger à la routine » (Lénine) qui a fécondé le mouvement ouvrier.

Marx, en rendant hommage à ces Communards « partis à l'assaut du ciel », discerna dans leur expérience, bien qu'éphémère, des traits qui allaient servir de repères aux révolutionnaires. Il conclut notamment que le prolétariat ne pouvait pas se contenter d'utiliser les institutions existantes mais qu'il lui fallait détruire l'ancien appareil d'Etat, comme les Communards avaient commencé à le faire, pour mettre à sa place leur propre Etat, au service de la majorité du peuple.

La Commune a montré du même coup l'implacabilité des représentants de l'ordre bourgeois et la nécessité, pour vaincre, d'une direction consciente. Ce sont ces enseignements qui aujourd'hui peuvent nous aider à nous orienter et qui tissent un lien vivant, par-delà le siècle, avec les Communards de 1871.

Claire LACOMBE

Lutte Ouvrière n°1710 du 20 avril 2001

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