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La vie d'un révolutionnaire dans l'Indochine coloniale

9 Février 2015 , Rédigé par energiefaucille Publié dans #almanach révolutionnaire

Il devient communiste. Lorsqu'en URSS la bataille éclate entre les dirigeants staliniens et l'opposition de gauche, il devient trotskyste, comme d'ailleurs la majorité des communistes indochinois.

C'est de l'Indochine coloniale que nous parle Ngo Van dans ce livre, l'Indochine des années 1920-1930 où il a vécu et lutté, une Indochine bien oubliée aujourd'hui car on évite de parler du passé peu glorieux de la « présence française ». C'est ce qui rend ce témoignage plein d'intérêt.

Ngo Van, issu d'une famille pauvre, révolté par la situation coloniale, est rapidement touché par les idées révolutionnaires qui, à la suite de la révolution russe, embrasent alors la Chine et gagnent la péninsule indochinoise. Il devient communiste. Lorsqu'en URSS la bataille éclate entre les dirigeants staliniens et l'opposition de gauche, il devient trotskyste, comme d'ailleurs la majorité des communistes indochinois.

Les années vingt et trente en Indochine sont des années d'effervescence révolutionnaire. Les masses entrent en lutte : paysans pauvres, ouvriers se révoltent, et ont à faire face à une féroce répression du pouvoir colonial : massacres, emprisonnements et déportations au tristement célèbre bagne de Poulo Condor, tortures, traque policière permanente contre les organisations communistes.

En 1936, la victoire du Front populaire et l'éclatement de la grève générale en France font naître parmi les masses indochinoises l'espoir d'une convergence entre la lutte du prolétariat en France et celle de ses frères coloniaux. Les dirigeants du Front populaire se chargent rapidement de montrer que d'eux, en tout cas, il n'y a rien à espérer. La politique du gouvernement Léon Blum s'inscrit, en Indochine comme en Algérie ou ailleurs, dans la pleine tradition coloniale. A la vague de grèves qui gagne l'Indochine, le pouvoir dit « de Front populaire » répond par une répression toujours aussi dure.

Ngo Van ne fait pas dans ce livre, qui est un témoignage, une histoire politique de l'Indochine et du mouvement révolutionnaire dans ce pays durant cette période. Il donne seulement au passage son avis, par exemple, sur la politique menée par les différentes tendances trotskystes, dans ce pays où, fait exceptionnel à l'époque, les trotskystes disposaient dans le prolétariat d'une influence de masse, supérieure à celle des staliniens. Mais ce témoignage suffit à donner une idée de cette influence et des possibilités qu'elle ouvrait.

On voit ainsi à la fin du livre comment les dirigeants staliniens du VietMinh, le front nationaliste indochinois, en même temps qu'ils tentaient en 1945 de profiter de la fin de l'occupation japonaise pour imposer leur indépendance à l'impérialisme français, prenaient toutes les mesures pour s'opposer à toute lutte indépendante du prolétariat et pour éliminer tous les militants susceptibles de l'incarner, en particulier les trotskystes : l'indépendance que souhaitait le dirigeant stalinien vietnamien Ho Chi Minh, tout en se disant « communiste », c'était celle d'une Indochine nationaliste, mais bourgeoise.

Ngo Van dans un court préambule tire de cette expérience la conclusion que toute organisation de type léniniste porte en elle « un embryon d'Etat » et donc d'oppression et déclare « rechercher de nouvelles perspectives révolutionnaires » remettant en cause les conceptions bolcheviques. Nous ne le suivons pas dans ces conclusions. Toute l'expérience historique - y compris celle de l'Indochine que relate Ngo Van - montre la nécessité pour la classe ouvrière, si elle veut arracher le pouvoir des mains de la bourgeoisie, de constituer pour cela des organisations de combat de ce type. Il faut savoir combattre les risques que cela comporte, mais l'absence de telles organisations, ou leur insuffisance, signifient en revanche une défaite certaine.

Cela n'ôte rien à la valeur du témoignage de Ngo Van, qui reste profondément solidaire de l'expérience révolutionnaire indochinoise et évoque la mémoire de ses compagnons de combat, tombés victimes de la répression coloniale ou de celle des staliniens.

André FRYS

Au pays de la cloche fêlée, de Ngo Van, aux Editions l'Insomniaque - 240 pages

Pour tous ceux qui voudraient approfondir leur connaissance de cette période, signalons aussi son ouvrage qui en fait l'histoire politique : Viet-Nam 1920-1945, Révolution et contre-révolution sous la domination coloniale, aux Editions Nautilus, 448 pages, 120 F.

 

Lutte Ouvrière n°1700 du 9 février 2001

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